8 Août 2018
Si j’avais baptisé ma Peugeot 806 Marguerite ou Marie-Antoinette on m’aurait prise pour une folle. Mais tous les navigateurs trouvent normal de donner un nom à leur bateau, comme à un animal domestique. D’ailleurs, c’est obligatoire. Les bateaux ont une sorte de carte d’identité, sur laquelle figure leur type et leur nom.
Notre bateau est un Pogo 10,50, au même titre que ma voiture est une Peugeot 806 (enfin, ce qu’il en reste). Il s’appelle Kornog, comme je m’appelle Hélène. Il existe des Pogo 6,50, 10,50 ou 12,50, qui mesurent respectivement 6,50 mètres, 10,50 mètres et 12,50 mètres. Mais il y a aussi des pièges : le Pogo 50 ne mesure pas 50 mètres, mais 50 pieds, ce qui équivaut à 15,24 mètres.
Revenons à Kornog. Quand Gilles a acheté ce Pogo 10,50 d’occasion, à La Rochelle, il s’appelait « Fier Allure ». Gilles l’a aussitôt rebaptisé Kornog, ce qui signifie Ouest en breton, et par extension Vent d’Ouest. Son nom de famille, c'est GV, qui ne veut pas dire Grande Vitesse, mais Guilvinec, son port d'attache.
Chacun sait qu’il ne faut jamais débaptiser et rebaptiser un bateau, sous peine de grands malheurs. Mais Gilles est beaucoup moins superstitieux que ma maman. Normalement, nous aurions dû tuer le Macoui, ce « serpent » qui suit le bateau toute sa vie. Pour cela, on part en mer, accompagné d’une autre embarcation, qui doit couper, par trois fois, le sillage du bateau que l’on veut débaptiser. Et bien sûr, on en profite pour boire un coup à la santé du Macoui et offrir un verre à Neptune !
Dans l’idéal, on rebaptise ensuite le bateau en explosant une bouteille de champagne sur sa coque, avant d’en vider quelques-unes avec les copains. A ce jour, nous n’avons respecté aucune de ces traditions.
Il existe tout un tas de superstitions chez les navigateurs. Il ne faut pas quitter le port un vendredi, ne pas embarquer de femme, ni de curé, ne pas siffler (mais on peut chanter), ni allumer sa clope avec une bougie, ni pointer du doigt le magnifique arc-en-ciel qui se dessine à l’horizon, car tout cela porte malheur, c'est bien connu.
Mais, le pire de tout, sur un bateau, ce serait de prononcer le nom de ce charmant petit animal au poil doux, reconnaissable à ses grandes oreilles et si délicieux en pâté ou en terrine… Même Gilles ne prononce jamais le nom de celui qu’il appelle prudemment, le cousin du lièvre !
Cet article est dédié à Mahaut qui me posait des questions sur le nom du bateau.