6 Mai 2019
Salut camarades ! Il y a beaucoup de choses à dire sur Cuba et le temps passe trop vite sur cette immense île. Nous avons débarqué, il y a bientôt trois semaines, dans la ville de Cienfuegos, surnommée par les Cubains la perle du Sud. C’est une ville très agréable, construite il y a deux cents ans selon un plan quadrillé. C’est très facile de s’y repérer.
Le centre de Cienfuegos abrite de nombreux bâtiments du XIXe et du début du XXe siècle, très bien entretenus. Il faut se balader le nez en l’air, car les façades sont magnifiques. Nous nous sommes beaucoup promenés, mais nous avons aussi retrouvé nos amis irlandais, rencontré plusieurs navigateurs français, bu des mojitos bon marché et assisté à un chouette spectacle de théâtre. On se sentait en vacances.
José Marti, poète et héros national, mort au combat contre les Espagnols en 1892, a sa statue dans chaque ville.
Construit en 1889, le théâtre Tomas Terry porte le nom d’un magnat du sucre d’origine vénézuélienne.
L’ancien yacht-club de Cienfuegos est désormais réservé aux loueurs de bateaux. Kornog était amarré ailleurs.
Au bout de quelques jours, nous avons laissé Kornog, sous bonne surveillance à la marina (on vous racontera plus tard à quel point notre bateau est bien surveillé) et sommes allés visiter Trinidad en autobus. Trinidad est une ville coloniale, fondée il y a plus de 500 ans, peu de temps après la découverte de l’Amérique et très bien conservée. Elle est très touristique, un peu comme le Mont-Saint-Michel ou les Baux de Provence, mais vaut la peine d’être vue. Les rues pavées et les petites maisons colorées sont charmantes. Et la Casa de la musica programme des concerts tous les soirs. C’est très sympa d’écouter de la salsa sous les étoiles en sirotant un verre.
Ensuite nous avons repris le bateau pour longer la côte sud de Cuba, dans les cayes, un ensemble d’îlots déserts, bordé de récifs de corail et peuplés uniquement de singes et d’iguanes, pour arriver jusqu’à l’île des pins, rebaptisée Isla de la Juventud (île de la Jeunesse) en 1978. Fidel Castro y avait envoyé un important contingent de jeunes volontaires dans l’espoir de la développer et de la rendre autosuffisante. Visiblement ce rêve ne s’est pas réalisé.
Une des particularités de cette île, en dehors des plages désertes, des spots de plongée et des carrières de marbre, est d’avoir abrité un bagne modèle construit à la fin des années vingt sous la présidence de Machado, sur les plans d’une prison américaine de l’Illinois. On pouvait y loger 5000 prisonniers, chacun disposant de sa propre cellule. Fidel Castro, son frère Raul et leurs copains révolutionnaires y ont passé quelques mois dans les années cinquante.
Ce bagne modèle comprend plusieurs bâtiments ronds. Chacun pouvait accueillir plus de 900 prisonniers surveillés par un geôlier juché sur une sorte de mirador, planté au centre de la rotonde. Les cellules ne comportaient pas de porte, ce qui permettait aux gardiens d’avoir l’œil en permanence sur les détenus. Toute parole était interdite. Au moindre mot, les bavards étaient fusillés sur place.
Voici à quoi ressemblaient les cellules du bagne de Nueva Gerona. Il y avait des barreaux aux fenêtres, mais pas de porte.
La cantine, pouvait accueillir 3 000 personnes. Il fallait deux services pour nourrir tout le monde. Les cuisines étaient situées au rez-de-chaussée, le réfectoire au premier étage. Un vaste ascenseur servait de passe-plats. Les prisonniers étaient assis en cercle autour du "buffet" et de la vigie, les uns derrière les autres, comme dans une salle de classe.
Le réfectoire, surnommé le restaurant des 3000 silences, car il était interdit d’échanger un mot en mangeant.
Après la deuxième guerre mondiale, cette prison a servi de camp de concentration (c’est le terme employé par la guide) pour les prisonniers japonais, italiens et allemands.
Dans les années cinquante, Fidel Castro y a séjourné avec son frère et leurs camarades. L’histoire veut que, repéré comme étant le cerveau du mouvement révolutionnaire, il a rapidement été séparé de ses coreligionnaires. Pour des raisons qui m’échappent, au lieu d’être mis au cachot, il a été placé dans une salle plutôt confortable de l’infirmerie, avec douche et WC privés et surtout une table, une chaise et de quoi écrire. En tant qu’avocat, il a obtenu l’autorisation de se défendre lui-même le jour de son procès. Sa longue plaidoirie présentait son programme révolutionnaire et terminait par ces mots : "condamnez-moi, peu importe. L’histoire m’acquittera". Ce texte manuscrit, remanié en prison, serait devenu par la suite le manifeste de la révolution.
Lors du défilé du 1er mai, à Nueva Gerona, certains Cubains arboraient la photo et des engagements de Fidel Catro, pris lors du 1er mai 2000.
Après trois jours passés sur l’île de la Juventud, nous avons repris la mer pour contourner le Cap Saint Antoine, à l’extrême ouest de Cuba. Nous avons atteint ici le point le plus éloigné de notre voyage. A partir de maintenant, on peut considérer que nous sommes sur la route du retour. Ca fait une drôle d’impression.
Le Phare de Cabo San Antonio est situé à 4075 miles nautiques du phare du Guilvinec, soit 7538 kilomètres. Ne nous attendez pas pour le dîner !