14 Mai 2019
Salut les forçats de la voile ! La navigation à Cuba est beaucoup moins agréable que dans les Petites Antilles. Nous avons quitté le régime des alizés, le vent est très capricieux, souvent inexistant, ou au contraire trop fort à notre goût, les orages sont violents, les moustiques redoutables, les températures ne cessent de monter (il fait souvent 33°C dans le bateau) et les distances sont importantes.
D’un bout à l’autre de l’île de Cuba, il y a au moins 1200 kilomètres en ligne droite, mais comme chacun sait, en voilier on fait durer le plaisir en avançant en zig zag. Il y a quelques jours, on est resté coincé dans la pétole, en plein soleil et j’ai décidé de me défouler sur le clavier de mon ordinateur.
La navigation à Cuba comporte de nombreux interdits et restrictions. Nous n’avons pas le droit de nous arrêter où nous voulons. Nous ne pouvons faire escale et descendre à terre que dans les marinas officielles ou dans certaines cayes, ces îles désertes où l’on ne dialogue qu’avec les insectes. Nous nous sommes engagés par écrit à n’utiliser l’annexe que pour aller du bateau au ponton des marinas et nous devons impérativement la sortir de l’eau pendant la nuit.
Nous n’avons surtout pas le droit de laisser monter un Cubain à bord de Kornog, même pour lui faire visiter le carré. De toute façon aucun d’eux ne s’y risquerait. Nous devons indiquer aux autorités chacun de nos déplacements, en précisant d’où nous venons et où nous allons, ou plutôt, où nous essayons d’aller, car le long des côtes cubaines on avance parfois à deux à l’heure, sans vent et à contre-courant. Ou au contraire, on doit faire demi-tour pour éviter un orage trop violent, ce que nous avons fait il y a quelques jours.
Comme on est sage, on obéit et on s’arrête dans les marinas. Et là je peux vous affirmer que notre bateau ne risque pas de disparaître. Il est couvé comme le lait sur le feu. A Cienfuegos, nous avons assisté à un véritable ballet de Cubains en civil ou en uniforme qui venaient à tour de rôle noter le nom des voiliers amarrés aux pontons pour comparer avec la liste inscrite dans leur registre, contrôler que notre annexe était toujours là, s’assurer que nous avions notre radeau de survie à bord et que la composition de notre équipage n’avait pas changé. D’ailleurs, quand nous sommes descendus à terre le premier jour, nous avons eu la surprise de découvrir plusieurs photos de nous sur l’ordinateur du port.
Dans la minuscule marina de l’île de la Jeunesse les pêcheurs n’osaient même pas descendre sur le ponton pour nous parler.
Nous ne savons pas pourquoi les Cubains ne peuvent absolument pas monter sur les bateaux. Peut-être les autorités cubaines redoutent-elles qu’on embarque l’un des leurs, sans la permission de Raul, ou qu’on lui fournisse les moyens de partir ? A Cienfuegos, un ami est venu aider Gilles à réparer le guindeau électrique (pour descendre et remonter l’ancre). Il a attaché son annexe pendant deux heures à l’arrière de Kornog. Une fois qu’il était reparti nous avons eu droit à un contrôle, car les policiers (douaniers ?) étaient persuadés qu’on avait deux annexes alors qu’on n’en avait déclaré qu’une.
Heureusement, tous ces gens qui nous surveillent le font avec beaucoup de discrétion et de gentillesse. Ils sont toujours aimables, souriants et conciliants, comme l’ensemble de la population. Alors même si je râle, je suis très contente d’être ici.