22 Novembre 2018
Salut les Toubabs (les blancs ) ! Notre séjour au Sénégal se termine après de nombreuses rencontres et des émotions diverses. On n’a pas pu vous donner de nouvelles plus tôt, car dans le Siné Saloum il y a très peu de réseau. Dans les deux villages où nous avons séjourné, même l’électricité et l’eau courante sont des denrées rares.
Gilles n’est pas très à l’aise en Afrique. Il a attrapé la grippe (il y a une épidémie au Sénégal) et a passé plusieurs jours couché dans le bateau, brûlant de fièvre. Comme il avait les jambes couvertes de piqûres d’insectes surinfectées et purulentes, c’était difficile de savoir si c’était la grippe ou les infections qui provoquaient la fièvre. Et manque de chance, c’était la fête du Grand Gamou, la célébration de la naissance du prophète. L’infirmière était partie pour un long week-end prolongé, comme une centaine d’habitants du village.
Les habitants de Diogane partent pour la célébration du Gamou, sous le ciel gris d'hiver mais avec leur gilet de sauvetage.
Après quelques infusions de feuilles d’eucalyptus et de citronnelle, cueillies par notre ami Salif (le fils de l'imam du village de Diogane) et une bonne dose d’antibiotiques, la fièvre est tombée et les jambes sont en cours de cicatrisation. On est presque prêts pour la traversée vers le Cap vert.
C’est difficile de résumer deux semaines de dépaysement total en quelques lignes et quelques photos. La gentillesse et le sens de l’accueil des Sénégalais n’est pas une légende. Ici tout le monde nous adresse la parole et se préoccupe de notre bien-être. Dès qu’on met un pied à terre, des nuées d’enfants se précipitent vers nous et nous attrapent les mains en criant "bonjour, comment tu t’appelles ?" On a l’impression de se promener dans un documentaire sur l’Afrique.
Les villages du Siné Saloum ne sont pas miséreux. Les enfants sont propres et en bonne santé. On ne va pas à l’école sans s'être lavé. Au collège-lycée de Bassoul, où nous sommes passés, la plupart des élèves ont un téléphone portable. Mais tous les garçons rêvent de partir en Europe. Les îles du Saloum se vident. "ça va être comme après la deuxième guerre mondiale chez vous, nous a expliqué Salif. Il ne restera que les personnes âgées, les femmes et les enfants en bas âge". Déjà dans les collèges, les filles sont beaucoup plus nombreuses.
Ici, pas de routes, pas de voitures, pas d’embouteillages. On circule en pirogue, à pied, ou en charrette tirée par un âne ou un cheval. A part la pêche et un peu de culture, il y a peu d’activité économique. Les hommes vont pêcher souvent loin en mer. Les femmes ramassent des coquillages sur les bancs de sable et des fruits dans la brousse.
Deux fois par semaine, la pirogue emmène les récoltes à la ville pour qu'elles soient vendues (au fond c'est Salif qui conduit).
Pour le reste, la vie s’écoule tranquillement au son du muezzin. A Bassar, les gens se rassemblent autour de l’arbre à palabres, au cœur du village, entre le poste de santé et la case des tout petits (la garderie). On peut y papoter pendant des heures, tranquillement, à l’ombre, et surtout, c’est là qu’on capte le mieux le réseau téléphonique.
A Diogane, le lieu de rencontre est situé sous une paillote, à quelques mètres du ponton, autour d’un poste de télévision qui diffuse tant bien que mal du football ou des séries, à condition qu’il y ait du soleil ou du vent. Mais en ce moment c’est l’hiver. Le ciel est couvert et la télé souvent silencieuse. Alors on joue aux cartes ou aux dames.
Même si les habitants n’ont pas grand-chose, ils nous ont nourri avec une grande générosité. Nous avons eu l’occasion de goûter plusieurs fois au thiéboudiène, le plat traditionnel de riz avec du poisson et une sauce relevée, agrémenté parfois de légumes : patate douce, aubergine amère, chou et/ou carottes. Nous avons également testé le yassa, une autre variété de plat avec du riz et des oignons (et éventuellement du poulet) et le petit déjeuner local : un ragout de petits pois, tartiné dans une délicieuse baguette cuite au feu de bois. Faute de viande, nos hôtes enrichissaient parfois les plats avec du corned-beef.
Tout le monde mange dans le même plat et boit dans le même verre. D'après Gilles c'est comme ça qu'on attrape la grippe.
Nous avons également mangé du pain de singe, le fruit du baobab, qui sert surtout à faire du jus et bien sûr, bu du jus de bissap et du thé. Le thé est bouilli longuement sur la braise et agrémenté d’épices. On le boit très sucré et moussu, dans deux minuscules verres, que l’on fait passer d’une personne à l’autre, en commençant par les invités. Selon la tradition, il faut faire bouillir le thé trois fois : "le premier verre et amer comme la mort, le deuxième doux comme la vie et le troisième sucré comme l’amour".
Le pain de singe, le fruit du baobab est dur et blanc à l'intérieur. On suce les morceaux plutôt qu'on ne les mange. Et on en fait surtout du jus.
Nos deux missions pour Voiles Sans frontières sont terminées, je vous les raconterai très prochainement. Gilles est à peu près retapé. Noël approche. Il paraît qu’en France c’est la révolution des gilets jaunes. Nous allons reprendre la mer en direction du Cap Vert. Je pars avec nostalgie, Gilles avec soulagement. Ainsi va la vie.